07/10/2015
Regardez-les...
Emission de la rentrée
difficile, parce que on perd vite l'habitude, on bafouille
et puis le thème n'était pas facile
http://www.principeactif.net/upload/podcast/loiseau_delire_22_sept_1443430350.mp3
La traversée - Jean-Christophe Tixier - Edition Rageot - 9.50€
Le voyage de Fatimzahra - Kocka - Editions Flammarion - 5.70€
Je n'ai pas eut le temps de vous parler d'Akim court de
Claude K. Dubois - Editions Pastel
mais je pense que le mieux est d'écouter Claude parler de son livre aux enfants
Et voici le poème de Laurent Gaudé
Regardez-les
Regardez-les, ces hommes et ces femmes
qui marchent dans la nuit
Ils avancent en colonne, sur une route
qui leur esquinte la vie.
Ils ont le dos voûté par la peur d'être pris
Et dans leur tête, Toujours,
Le brouhaha des pays incendiés.
Ils n'ont pas mis encore assez de distance
entre eux et la terreur.
Ils entendent encore les coups frappés
à leur porte .
Se souviennent des sursauts dans la nuit.
Regardez-les.
Colonne fragile d'hommes et de femmes
Qui avancent aux aguets,
Ils savent que tout est danger.
Les minutes passent mais les routes
sont longues.
Les heures sont des jours et les jours
des semaines.
Les rapaces les épient, nombreux.
Et leur tombent dessus,
Aux carrefours.
Ils les dépouillent de leur nippes,
Leur soutirent leurs derniers billets.
Ils leur disent « Encore »
Et ils donnent encore,
Ils leur disent : « Plus ! »,
Et ils lèvent les yeux ne sachant plus
que donner.
Misère et guenilles,
Enfants accrochés aux bras qui refusent
de parler,
Vieux parents ralentissant l'allure,
Qui laissent traîner derrière eux les mots
d'une langue qu'ils seront contraints
d'oublier.
Ils avancent
Malgré tout,
Persévèrent
Parce qu'ils sont têtus.
Et un jour enfin,
Dans une gare,
Sur une grève,
Au bord d'une de nos routes,
Ils apparaissent.
Honte à ceux qui ne voient que guenilles.
Regardez bien,
Ils portent la lumière
De ceux qui luttent pour leur vie.
Et les dieux (s'il en existe encore)
Les habitent.
Alors dans la nuit,
D'un coup, il apparaît que nous avons
de la chance si c'est vers nous
qu'ils avancent.
La colonne s'approche,
Et ce qu'elle désigne en silence,
C'est l'endroit où la vie vaut d'être vécue.
Il y a des mots que nous apprendrons
De leur bouche,
Des joies que nous trouverons
Dans leurs yeux.
Regardez-les,
Ils ne nous prennent rien,
Lorsqu'ils ouvrent les mains,
Ce n'est pas pour supplier,
C'est pour nous offrir
Le rêve d'Europe
Que nous avons oublié
Laurent Gaudé
Poème inédit paru dans le journal Le un1
21:59 | Lien permanent | Commentaires (0)