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07/10/2015

Regardez-les...

 

Emission de la rentrée 

difficile, parce que on perd vite l'habitude, on bafouille

et  puis le thème n'était pas facile

 

http://www.principeactif.net/upload/podcast/loiseau_delire_22_sept_1443430350.mp3

DSC01391.JPGE

 La traversée - Jean-Christophe Tixier - Edition Rageot - 9.50€

DSC01392.JPG

 Le voyage de Fatimzahra - Kocka - Editions Flammarion - 5.70€

 

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Je n'ai pas eut le temps de vous parler d'Akim court de

Claude K. Dubois - Editions Pastel 

mais je pense que le mieux est d'écouter Claude parler de son livre aux enfants

 https://youtu.be/jFZoh7qJ3No

 

Et voici le poème de Laurent Gaudé

Regardez-les

 

Regardez-les, ces hommes et ces femmes

qui marchent dans la nuit

Ils avancent en colonne, sur une route

qui leur esquinte la vie.

Ils ont le dos voûté par la peur d'être pris

Et dans leur tête, Toujours,

Le brouhaha des pays incendiés.

Ils n'ont pas mis encore assez de distance

entre eux et la terreur.

Ils entendent encore les coups frappés

à leur porte .

Se souviennent des sursauts dans la nuit.

Regardez-les.

Colonne fragile d'hommes et de femmes

Qui avancent aux aguets,

Ils savent que tout est danger.

Les minutes passent mais les routes

sont longues.

Les heures sont des jours et les jours

des semaines.

Les rapaces les épient, nombreux.

Et leur tombent dessus,

Aux carrefours.

Ils les dépouillent de leur nippes,

Leur soutirent leurs derniers billets.

Ils leur disent « Encore »

Et ils donnent encore,

Ils leur disent : « Plus ! »,

Et ils lèvent les yeux ne sachant plus

que donner.

Misère et guenilles,

Enfants accrochés aux bras qui refusent

de parler,

Vieux parents ralentissant l'allure,

Qui laissent traîner derrière eux les mots

d'une langue qu'ils seront contraints

d'oublier.

Ils avancent

Malgré tout,

Persévèrent

Parce qu'ils sont têtus.

Et un jour enfin,

Dans une gare,

Sur une grève,

Au bord d'une de nos routes,

Ils apparaissent.

Honte à ceux qui ne voient que guenilles.

Regardez bien, 

Ils portent la lumière

De ceux qui luttent pour leur vie.

Et les dieux (s'il en existe encore)

Les habitent.

Alors dans la nuit,

D'un coup, il apparaît que nous avons

de la chance si c'est vers nous

qu'ils avancent.

La colonne s'approche,

Et ce qu'elle désigne en silence,

C'est l'endroit où la vie vaut d'être vécue.

Il y a des mots que nous apprendrons

De leur bouche,

Des joies que nous trouverons

Dans leurs yeux.

Regardez-les,

Ils ne nous prennent rien,

Lorsqu'ils ouvrent les mains,

Ce n'est pas pour supplier,

C'est pour nous offrir

Le rêve d'Europe

Que nous avons oublié

 

Laurent Gaudé 

 

Poème inédit paru dans le journal Le un1